16 l’évolution contemporaine Paris l’avait consacré comme l’un des fondements de l’équilibre européen. La France, en Crimée, suivait sa politique traditionnelle : depuis François Ier et Louis XIV, elle protégeait l’indépendance du Sultan pour continuera jouir, à Constantinople, d’un crédit dont les populations chrétiennes de l’Empire étaient les premières bénéficiaires. Pour l’Angleterre, fortifier la Turquie, la placer sous la sauvegarde du droit public européen, c’était le moyen d’écarter les Russes de la mer Egée, d’opposer un obstacle infranchissable à toutes leurs entreprises. Le principe d’intégrité de l’Empire ottoman et de souveraineté du Sultan étaitdonc, entre les mains do l’Angleterre, comme une machine de guerre. Le 19 juin 1877, à la veille des hostilités, M. Layard, ambassadeur d’Angleterre à Constantinople, écrira : « La politique qui nous a fait soutenir la Turquie pour nos propres fins et notre sécurité, et non pas pour un amour abstrait des Turcs et de leur religion, politique adoptée et approuvée par les plus grands hommes d’Etat, n’est pas de celles que les événements des derniers mois, n’ayant aucune relation avec elle, suffiraient pour renverser. Cette politique est fondée en partie sur la croyance que la Turquie est une barrière aux desseins ambitieux de la Russie en Orient, et que le Sultan, chef reconnu de la religion mahométane, est un allié utile, sinon nécessaire, à l’Angleterre, qui a des millions de musulmans parmi ses sujets...1 » L’Angleterre fortifie la Turquie, comme on fortifie un bastion défensif ; elle la pousse dans la voie des réformes et de la centralisation; pour supprimer les revendications inquiétantes des populations chré- 1. Dépêche du 13 juin 1877 à lord Derby, citée par d'Avril, p. 275.