LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS 97 milles à l’entrée et à la sortie du canal; qu’ils n’y embarquent que les ravitaillements et le charbon strictement nécessaires ; qu’il y ait un intervalle de vingt-quatre heures au moins entre la sortie de deux bâtiments ennemis. Un régime qui comporte tant de précautions, garanti par une convention internationale, n’aurait rien qui pût porter ombrage à la Sublime Porte ou alarmer la sécurité du Sultan *. Mais il faudrait, pour qu’on réussît à l’établir, que les grandes puissances renonçassent à tout espoir secret de domination exclusive sur les Détroits. Si les gouvernements d’Europe s’obstinaient à ignorer les transformations profondes qui renouvellent la face du monde et se refusaient à tenir compte des éléments jeunes qui bouleversent les fondements de la vieille politique ; si la diplomatie continuait à s’en-lizer dans les anciens errements et à ressasser indéfiniment les mômes problèmes sans les résoudre jamais, peut-être, la patience des peuples venant à se lasser, assisterions-nous un jour à l’avènement d’une politique toute nouvelle, révolutionnaire dans ses procédés et dans ses solutions. Ce ne sont là sans doute que des craintes chimériques, mais ne serait-il 1. Les écrivains russes acceptent en général cette solution; quelques-uns vont plus loin : ils ne voient de solution définitive à la question des Détroits que dans l’expulsion des Turcs. « Constantinople devrait être soit la capitale du royaume bulgare, soit celle de la confédération slave, soit enlin une ville libre, avec le territoire adjacent. Mais dans tous les cas on devrait raser les fortifications le long du Bosphore et des Dardanelles et les mettre sous la garantie de l’Europe. Quel que soit le maître de Constantinople, dans 1 avenir, les passages de la Méditerranée à la Mer-Noire doivent être toujours ouverts au pavillon de toutes les nations. Ce qui est conforme aux principes appliqués au canal de Suez. » Koma-rowsky (comte de), Des causes politiques des guerres dans l'Europe contemporaine (en russe); dans le Bulletin scientifique de l'Uni-versité impériale de Moscou (section juridique), année 1888, fascicule VI'. Cité par Mischef, op. cit., p. 674. 7