64 LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS au premier plan de ses préoccupations la question des Détroits et de la liberté des mers. Divers incidents ont, en ces dernières années, remis à l’ordre du jour ces problèmes toujours délicats et les ont montrés sous un aspect nouveau. Il était naturel qu’on reparlât du Bosphore et des Dardanelles à propos du Knias-Potemkine. On n’a pas oublié comment, en juin 1905, sans souci des protocoles, à travers cette Mer-Noire dont tant de traités et de conventions ont réglé le statut juridique, un cuirassé russe, en rupture de discipline, a promené le pavillon rouge de la Révolution. 11 apparut devant Odessa et y déchaîna des « vêpres » sanglantes : puis il se montra devant un port roumain, Constantza. Tout autour du large bassin où il s’en allait errant, les populations couraient aux jetées, inquiètes de ces canons monstrueux qui n’obéissaient à aucune loi civilisée, curieuses pourtant d’un phénomène si nouveau. En même temps queles foules se pressaient sur les rivages, les diplomates compulsaient leurs archives et scrutaient leurs traités de droit international. A l’entrée du Bosphore, on se hâtait de braquer une artillerie peu dangereuse. Le Sultan, dans Yildiz-Kiosk, prenait l’alarme, faisait armer bien vite les quelques batteries mal abritées qui commandent les approches de Constantinople. Mais le politique avisé qu’est Sa Majesté Abd-ul-Hamid a dû savourer comme une revanche l’embarras du gouvernement du Tsar, et, s’il a le sens des ironies de l’histoire, il n’aura pas accueilli sans une joie secrète les démarches auxquelles les incartades du navire révolutionnaire obligeaient les rivaux séculaires de la Turquie, Ces Russes qui lui demandaient de fermer les Détroits aux rebelles, n’étaient-ce pas eux dont l’ascendant empêcha naguère de for-