316 LA RIVALITÉ DES GRANDES PUISSANCES chercher des débouchés pour sa production, des commandes pour ses usines, des affaires pour ses banques. Poussée russe vers Constantinople et les Détroits, descente autrichienne vers Salonique, résistance de l’Angleterre protectrice de l’intégrité de l’Empire ottoman, influence française si forlement assise sur des traditions séculaires, sur l’amitié des Sultans et sur la confiance des populations chrétiennes, que les événements de 1870 l’avaient à peine ébranlée : ainsi se résumait la politique orientale. L’Allemagne, en y entrant, la transforma ; elle inaugura, politiquement et économiquement, des méthodes nouvelles. Arrivée à l’impérialisme à un moment où, dans ce prodigieux allotissement du monde qui restera le fait capital de la fin du xix° siècle, les bonnes places étaient prises et les meilleurs morceaux accaparés, elle jeta son dévolu sur cette Asie turque, endormie depuis tant de siècles dans la léthargie musulmane; elle se donna pour mission de percer cette masse inerte qui s’interpose entre les routes de la Méditerranée et les péninsules indiennes débordantes de vie, luxuriantes de richesses. La Turquie d’Asie appartenant à une grande puissance, l’expansion allemande n’y pouvait pas prendre la forme d’une conquête ni d’une colonisation, à l’instar de ce que l’Angleterre et la France avaient pratiqué en Afrique; mais on pouvait transformer en un « territoire économique » allemand ces immenses contrées, jadis si fertiles et si peuplées, aujourd’hui stériles et presque abandonnées. Tel fut le programme dont la réalisation fut poursuivie avec une continuité de vues, avec un esprit de méthode dont aucun autre pays n’a donné à notre époque un exemple aussi admirable. Toutes les énergies de l'Empire, coordonnées par une volonté