376 LE CONFLIT ANGLO-TURC ost certain que l’Angleterre l’a pensé : dans l’affaire de Tabah, elle a vu apparaître, menaçante, toute la question d’Egypte. Etonnée de l’initiative audacieuse d’Abd-ul-Hamid. elle a cru discerner derrière lui l’action d’une puissance européenne dont il passe pour suivre volontiers les inspirations ; la coïncidence de l’affaire de Tabah avec les incidents du Maroc et la conférence d’Algésiras lui a paru trop frappante pour être fortuite ; elle a cru qu’aux deux extrémités de la Méditerranée, l’Allemagne appliquait une même méthode et qu’après avoir voulu rendre manifeste, à Tanger et à Algésiras, que la convention franco-anglaise n’avait pas modifié la situation internationale du Maroc, elle cherchait à établir, en poussant les troupes turques à Tabah, que la même convention n’avait pas changé davantage la situation internationale de l’Egypte. On comprend dès lors pourquoi le Cabinet britannique s’est hâté d’interrompre la négociation au Caire pour l’évoquer à Londres et à Constantinople, et pourquoi, à propos d’une insignifiante localité de la côte d’Arabie, il a mobilisé des troupes, envoyé une puissante escadre dans les eaux de l’Archipel et lancé au Sultan, sous la forme d’une note ultimatum, une sommation d’avoir, dans un délai de dix jours, à évacuer Tabah et la péninsule du Sinaï. ÏI Jamais les Turcs n’ont dominé effectivement toute la péninsule arabique : la race de rudes et fiers pasteurs dont les aïeux, jadis, coururent d’un seul élan jusqu’en Poitou et jusqu’en Perse, s’est retranchée,