94 LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS « flotte volontaire » franchirent les Détroits : on sait comment ils visitèrent, arrêtèrent et capturèrent des bâtiments de commerce dans la Mer-Rouge et dans l’Océan Indien : il s’ensuivit une protestation anglaise auprès du Sultan qui se vit contraint d’exiger que, si d’autres bateaux de la « flotte volontaire » franchissaient le Bosphore sous pavillon commercial, ils ne devraient reprendre le pavillon de guerre qu’après avoir touché un port neutre. A quelque temps de là, un incident plus grave survint : le 22 juillet 1904, l’ambassade de Russie demanda à la Porte, par une note formelle, d’autoriser le passage de sept navires de la « flotte volontaire » qui, chargés de charbon, attendaient à Odessa l’ordre d’appareiller. Les démarches du gouvernement de Saint-Pétersbourg étaient pressantes, mais, de Londres, arrivaient des menaces appuyées par une flotte de guerre considérable qui croisait à la sortie des Dardanelles et autour de Lemnos et qui, disait-on, était prête à barrer par la force l’entrée de l’Archipel! Intimidé par un tel branle-bas, préoccupé de n’irriter ni la Cour de Russie, ni le cabinet britannique, Abd-ul-Hamid traversa quelques jours de cruelle perplexité ; il pensa se tirer d’affaire en demandant à l’ambassade de Russie un engagement écrit stipulant que les sept navires, une fois passés, n’arboreraient pas le pavillon de guerre; l’ambassadeur refusa de se plier à une telle exigence, alléguant que la parole du Tsar solennellement donnée devait suffire. Finalement les navires passèrent, mais un à un et à certains intervalles, et, dans la note par laquelle le ministre des Affaires étrangères de la Porte ottomane répondit à l’ambassade russe, il prit acte de la déclaration verbale, qui constitua comme la condition même de l’autorisation accordée.