272 LA CRISE DE 1908 Sérajevo-Mitrovitza. Nous touchons, au contraire, à quelques-unes des raisons qui en ont vraisemblablement hâté la construction, en tout cas à quelques-uns des résultats qu’aura son achèvement. Tous ces Serbes aujourd’hui divisés et dispersés tendent à former bloc. S’ils y parvenaient un jour, une masse jougo-slave, soit indépendante de l’Autriche, soit fédérée avec elle, s’interposerait entre le germanisme et les plaines de la Macédoine ; la route de Salonique serait fermée au Drang. La politique de Vienne, comme celle de Budapest, a donc toujours été d’accentuer et de multiplier les divisions, d’entretenir les rivalités et les haines historiques au lieu de les laisser s’effacer. Au Congrès de Berlin, les clauses relatives à l’occupation de la Bosnie-Herzégovine et au droit d’avoir des garnisons et des voies de communications dans le sandjak de Novi-Bazar, révèlent déjà, — les protocoles en font foi, — la préoccupation de séparer en deux la masse jougo-slave et de laisser ouverte, devant le germanisme, à travers les pays serbes, la route de la mer Égée. Entre le royaume serbe et le Monténégro, le sandjak s’enfonce comme un coin. Le chemin de fer complétera cette œuvre de division : du Nord au Sud, la ligne nouvelle fend en deux sections l’épais bastion des montagnes où la vieille race serbe abrite sa vitalité. D’un côté, regardant vers l’Adriatique, c’est le Monténégro que le Cabinet de Vienne cherche à tenir sous sa tutelle. Le baron d’Æhrenthal, dans son discours du 27 janvier, a annoncé son intention de relier promptement la Bosnie avec le Monténégro ; ainsi attiré dans l’orbite de l’Autriche, il sera plus facilement détaché de Belgrade et du bloc serbe. De l’autre côté du chemin de fer projeté, restera le royaume serbe, isolé, privé de toute issue vers l’Adriatique. Par la