LE CONFLIT AUSTRO-SERBE 429 cière, ni par le succès des mesures adroitement prises pour pallier les inconvénients d’une rupture ; le patriotisme même le plus ardent, l’habileté môme la plus subtile, ne suffiraient pas non plus à l'expliquer. Le cabinet Pachitch a été le bénéficiaire d’une situation générale qu’il n’a pas créée, mais dont il a su prendre conscience et tirer parti. 11 a eu le mérite de sonder le terrain, et, l’ayant trouvé solide, d’oser s’y aventurer. Derrière les apparences bénignes d’un conflit douanier, les puissances européennes, et, parmi elles, l’Angleterre et la France, n’ont pas tardé à s’apercevoir que des questions plus hautes étaient eu jeu. L’indépendance, non seulement nominale, mais effective, des petits Etats balkaniques importe grandement à l’établissement d’un ordre durable dans les Balkans et par suite à l’équilibre et à la paix de l’Europe ; l’absorption des petits Etats par les grands amènerait la reconstitution, en Orient, d’une ou plusieurs de ces puissances démesurées dont l’existence est une menace pour la sécurité des autres. De même que l’Angleterre, en 1885, avait favorisé l’émancipation de la Bulgarie et son union avec la Roumélie avec l’espoir qu’elle deviendrait une barrière entre la Russie et le Bosphore, de même aussi, en 1906, l’Angleterre et, avec elle, la France et l’Italie, ont compris que l’existence d’une Serbie suffisamment indépendante et forte était une garantie de la stabilité politique de l’Orient et de l’Europe tout entière. L’Angleterre, depuis la tragédie de 1903, donnait à ces sentiments puritains dont l’opinion et la presse font volontiers parade quand l’intérêt britannique n’est pas engagé, la satisfaction de bouder le régime établi après le meurtre du roi Alexandre ; l’été dernier, cinq officiers, connus pour avoir participé à