312 LA RIVALITÉ DES GRANDES PUISSANCES pliquerla comparaison aux Européens. En Macédoine, le gouvernement turc paraissait oppresseur ; ici, on est bien près de le croire opprimé. Du haut de la tour de Galata ou des fenêtres du Péra-Palace, si l’on embrasse, d’un coup d’œil circulaire, tout l’incomparable décor de Constantinople, seules, au-dessus de la foule pressée des maisons, émergent les coupoles majestueuses, flanquées de minarets blancs et de cyprès noirs : pas une cheminée d’usine n’oiîusque l’azur du ciel. En Turquie, l’industrie moderne n’est pas née ; les articles dont on a besoin, on les achète à l’Europe manufacturière. La plupart des fonctions dont se surcharge l’Ëtat-Providence de nos pays d’Occident, l’État turc n’en a cure et les abandonne aux étrangers. Il est un minimum de gouvernement. Le budget central de l’Em-pire ottoman ne dépasse pas 300 millions de francs, dont 100 millions sont absorbés parle service de la dette. Le budget des travaux publics est embryonnaire : ce sont les étrangers qui construisent les chemins de fer, les ports, les quais, les tramways, les hôtels ; eux qui vendent cuirassés, torpilleurs, canons, fusils, tout le matériel nécessaire à une armée ; eux qui exploitent les mines, créent des compagnies de navigation. Ainsi les étrangers se chargent, à condition d’en tirer bénéfice, de doter la Turquie de l’outillage compliqué des nations modernes. Chacun travaille à obtenir le plus d’entreprises avantageuses, le plus de gros bénéfices ; et c’est précisément dans cette course aux affaires que consiste la rivalité des grandes puissances à Constantinople. Les diplomates se font courtiers ; l’empereur Guillaume II ne dédaigne pas d’écrire personnellement au Sultan pour assurer une forte commande à l’industrie allemande. Et le bon derviche qui fume