572 CONCLUSIONS celleries, on cause, on rédige des notes, on escarmouche ; empereurs, rois, présidents se mettent en voyage, échangent des vues, esquissent des ententes et toastent à la paix : en réalité chacun tâte le terrain pour prendre plus sûrement position si la vraie bataille vient à s’engager. C’est une politique singulièrement fertile en spectacles contradictoires que celle de notre temps, et jamais peut-être les réalités profondes n’ont été plus différentes des apparences qui les recouvrent. Sous le vieux harnais de l’Europe d’autrefois, se développent et grandissent des forces encore mal définies, à peine conscientes d’elles-mêmes, dont l’action mystérieuse donne parfois aux problèmes politiques les plus classiques de la diplomatie traditionnelle un aspect nouveau et des solutions inattendues. C’est le sentiment de l’existence de ces forces obscures qui fait paraître si prudents les souverains et les hommes d’Etat de la vieille Europe; les grandes passions et les grands conducteurs d’hommes font défaut ou naissent sous d’autres cieux. Il en sera ainsi jusqu’à ce que paraisse un puissant réaliste, qui, discernant, avec le coup d’œil d’un Bismarck, quels sont aujourd’hui les éléments qui résistent et les courants qui portent, imprimera aux événements une tournure nouvelle et dramatisera l’histoire. Lorsqu’une crise vient à éclater, comme celle que l’initiative du baron d’Æhrenthal a brusquement ouverte, on voit tout à coup les intérêts s’alarmer et se mettre en garde, les adversaires se hérissent les uns en face des autres, on croit entendre un cliquetis d’épées, puis tout s’apaise et retombe dans le silence ; chacun mesure avec inquiétude le pas qu’il a fait en avant; chacun pèse avec angoisse ses responsabilités et ses risques. Outre les grandes alliances officielle-