296 LA CRISE DE 1908 de part et d’autre, que le Sultan cédera et que tout ce débat est de pure forme, uniquement dilatoire, mais la diplomatie a tout un protocole qu’il faut observer. Le Sultan finit par céder, mais c’est seulement quand il sait par le baron Marschall que les puissances n’insisteront pas pour le moment sur la réforme judiciaire ; alors il admet (13 mars 1908) que tous les organes réformateurs européens dureront aussi longtemps que la perception du 3 pour 100 des droits de douane, c’est-à-dire jusqu’au 12 juillet 1914. Ainsi piétinent sur place les négociations; ainsi apparaît de nouveau l’irréductible contradiction initiale qui pèse sur toute la politique européenne dans l’Empire ottoman, contradiction entre la politique d’intervention et la politique d’intégrité dont on ne sort que par l’échappatoire des réformes. Les négociations se traînaient dans ces redites * quand, le 27 janvier, le baron d’Æhrenthal, pour faire diversion et masquer l’échec définitif de la po-tique de Mürzsteg, parla chemins de fer et souleva l’incident que l’on sait. Mais deux jours après, le 29, le roi Edouard, dans le discours du trône, ramenait la question sur le terrain macédonien : « Les conditions dans lesquelles se trouvent les populations macédoniennes ne se sont pas améliorées. Les bandes des différentes nationalités continuent leurs actes de violence et la situation cause une vive anxiété. Les grandes puissances européennes se sont entendues pour présenter au gouvernement turc un projet tendant à améliorer l’état des choses et à remédier efficacement aux principales causes de désordre. » 1. On discutait, entre chancelleries et à Constantinople, sur le memorandum de sir Edouard Grey du 18 décembre 1907, dans lequel il esquissait déjà le programme qu’il a repris dans sa note du 3 mars 1908 ; la réponse de l’Autriche et de la Russie à ce mémorandum porte la date du 28 janvier, du lendemain même du discours du baron d’Æhrenthal ; on pourrait presque dire que c’est un document posthume de l'entente austro-russe dans les Balkans.