LES NATIONALITÉS 145 Chacune des races qui se disputent la Macédoine invoque des arguments tirés de l’histoire ; chacune jette, comme un déli, à la face de ses adversaires, le nom de ses héros nationaux et le souvenir du temps où l’un de ses princes avait établi son empire sur tous les peuples de la péninsule. S’il fallait, pour établir aujourd’hui les droits de chaque groupe, remonter aussi loin dans l’histoire, où conviendrait-il de s’arrêter pour trouver le légitime possesseur, et, avec cette méthode, à qui attrihuerait-on l’Italie, par exemple, ou la France? Les arguments historiques, ainsi présentés, n’ont aucune valeur probante; ils ne prennent une valeur morale réelle que dans le cas où les traditions sont actuellement vivantes dans les cœurs de toute une population, et ils ne deviennent une force que lorsqu’ils ont à leur service des canons et des baïonnettes. Que penser maintenant des arguments tirés de l’ethnographie? A quelles marques distinguer les races et reconnaître ce qui appartient à l’une ou à l’autre avec assez de certitude pour en faire le fondement de nouvelles divisions politiques? Et d’abord, qu’est-ce qu’une race? Il n’y a sans doute pas de problème plus complexe, plus délicat, plus controversé. Devra-t-on s’en rapporter à l’anthropologie, à la philologie, à l’histoire? Autant de questions auxquelles aucune science n’est en état de répondre avec une rigueur suffisante. Le professeur Cvijic, de l’université de Belgrade, a mis en relief toutes ces difficultés, dans une brochure *, où il a fait un très méritoire effort d’impartialité et d’objectivité, et dont, — à la condition de se souvenir que l’auteur, tout 1. Remarques sur VEthnographie de la Macédoine. Extrait des Annales de Géographie. Paris, Armand Colin, 1906. — Le D'A Ichir-koff, de i’Université de Sofia, a répondu à la brochure de M. Cviji£> 10