342 LA RIVALITÉ DES GRANDES PUISSANCES se garde d’être la dupe. Dans la multiplicité même et dans la variété des souvenirs dont l’Italie moderne a hérité d’une si longue histoire, elle trouve des précédents pour tous les cas, des arguments pour toutes les causes. Son passé l’engage, et sa situation présente l’oblige souvent à varier ses attitudes et à faire, sur la scène du monde, plusieurs figures : ses hommes d’État excellent dans cet art subtil ; la simplicité de ceux qui prétendent plier la politique à la rigidité d’un système pourrait seule s’en étonner. Rien n’est plus curieux à observer, à ce point de vue, que la méthode et les procédés de l’expansion et de la propagande italienne dans le Levant. On sait comment, durant une période dont le gouvernement de Crispi marque l’apogée, l’Italie fit un grand effort pour trouver au dehors, dans la Méditerranée et jusqu’en Ethiopie, un champ d’action pour le surcroît d’énergie nationale que l’achèvement de l’unité laissait inemployé. Crispi suit de près les affaires de Turquie, il commence à nouer des intelligences parmi les Albanais; en adhérant à la Triple Alliance, il cherche un moyen de tenir en bride les ambitions de l’Autriche-Hongrie dans les Balkans. L’apostolat national italien se fait surtout par la langue qu’on espère voir bientôt régner, victorieuse du français, dans tout le Levant méditerranéen ; des sociétés puissantes, comme la Dante Alighieri et 1 ’ Umanitaria, travaillent à en répandre au loin, surtout dans l’Empire ottoman, la connaissance et l’usage. Elles sont à la fois subventionnées par le gouvernement et patronnées par la franc-maçonnerie. C’est l’Italie de Mazzini et de Garibaldi qui continue son œuvre sous la même impulsion qui Ta portée sur la brèche de la Porta Pia ; elle est anticléricale, antipapaline et triplicienne. Les écoles