176 LA QUESTION DE MACÉDOINE réformes ne donnent pas les résultats espérés, il risque qu'une plainte des ambassadeurs fasse de lui le bouc émissaire de tous les insuccès et de toutes les erreurs. Les populations chrétiennes l’accusent d’être toujours celui qui promet, jamais celui qui donne ; et les populations turques le soupçonnent de sacrifier les droits de l’Islam. Pourra-t-il longtemps rester à la fois l’homme du Sultan et l’homme de l’Europe? On dit volontiers familièrement, en Macédoine, qu’il a « mis dans sa poche » les agents civils, la commission financière et le général Degiorgis.il est probable qu’il le laisse croire à Constantinople, tandis qu’à Salonique il a l’art de persuader aux agents européens qu’il se contente de réaliser ce qu’ils ont eux-mêmes délibéré. En résumé, une bonne volonté sincère, fondée sur la conviction que réformer, — ou du moins en avoir l’air, — est, pour le moment, le seul moyen de conserver et de restaurer l’autorité du Sultan dans les trois vilayets ; un labeur acharné dissimulant peut-être l’inefficacité foncière des méthodes et la médiocrité des résultats ; une extrême souplesse dans les procédés et dans les relations cachant un caractère inflexible, aveuglément fidèle à son maître, enthousiaste pour la grandeur de son pays ; un art consommé de mettre en scène, d’éblouir, avec le don de séduire et le talent de persuader; une âme passionnée, avec la longue accoutumance de la dissimulation et les dehors de la froideur; une connaissance naturelle des hommes, de leurs intérêts et de leurs inimitiés ; des qualités de chef avec des défauts de bureaucrate : tel apparaît Hilmi Pacha. En somme, dans l’affaissement général des caractères sous l’absolutisme hamidien, un homme habile qui fait figure d’homme d’Etat.