LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS 79 de la Turquie. Cette interprétation a été admise par la presque unanimité des juristes, et elle n’a jamais été contestée par la diplomatie, jusqu a ce qu’elle le soit, nous verrons dans quelles circonstances, par lord Salisbury, au Congrès de Berlin. La Convention de 1841 constitue véritablement la charte juridique de la question des Détroits ; mais elle est loin de suffire à calmer les rivalités politiques et à prévenir les conflits. La puissance russe subit un échec sensible : en apparence, les Détroits sont fermés à toutes les marines ; pratiquement ils ne le sont qu’aux Russes ; ils peuvent toujours s’ouvrir devant les flottes des cinq puissances et particulièrement de la plus forte d’entre elles, l’Angleterre. Le cas se produit pendant la guerre de Crimée : la France et l’Angleterre, alliées de la Turquie, pénètrent dans la Mer-Noire pour y assaillir Sébastopol. Le traité de Paris, de 1856, reproduit en annexe la Convention des Détroits dans son intégralité ; mais ce n’est plus seulement des Détroits qu’il exclut le pavillon de guerre russe, c’est de la Mer-Noire ; il oblige la Russie à ne pas construire et à ne pas entretenir d’arsenal militaire maritime sur cette mer et à n’y avoir d’autre force navale que le petit nombre de bâtiments légers admis pour chaque puissance par l’acte de 1841 : la Mer-Noire est déclarée neutre ; les négociateurs anglais, dans leur zèle, avaient même proposé d’é-tendre cette mesure à la mer d’Azov et d’obliger le Tsar à démolir les fortifications et les arsenaux de Nicolaïew1. Ainsi, la Russie reculait de plus d’un 1. « M. le premier plénipotentiaire de la Grande-Bretagne (lord Clarendon) expose que la Russie possède à Nicolaïew un arsenal de constructions maritimes de premier ordre, dont la conservation est en contradiction avec les principes sur lesquels est fondé le paragraphe dont le Congrès vient d’arrêter les termes (article 13). Cet arsenal n’étant pas situé sur les bords de la Mer-Noire, lord