42 L’ÉVOLUTION CONTEMPORAINE gibles. Depuis la guerre russo-turque et le Congrès de Berlin, la crise arménienne est la plus grave et la plus caractéristique qui ait mis en campagne la diplomatie ; sans en refaire ici l’histoire, nous voudrions montrer comment la question se posait et quelle a été, en face d’elle, l’attitude des grandes puissances : La question arménienne est sortie de l’article 61 du traité de Berlin ainsi conçu : La Sublime Porte s’engage à réaliser, sans plus de retard, les améliorations et les réformes qu’exigent les besoins locaux dans les provinces habitées par les Arméniens, et à garantir leur sécurité contre les Circassiens et les Kurdes. Elle donnera connaissance périodiquement des mesures prises à cet effet aux Puissances, qui en surveilleront l’application. Dans presque toutes les grandes conventions orientales on retrouve un article de même nature que celui-ci; il est, pour ainsi dire, de style. Mais de telles stipulations sont dépourvues de sanctions pratiques et restent subordonnées à la bonne volonté du Sultan dont l’Europe a de bonnes raisons pour respecter la souveraineté et l’indépendance. Ces clauses, si incertaine qu’en reste l’exécution, ont cependant favorisé l’émancipation des nationalités balkaniques, mais elles ont, d’autre part, poussé le gouvernement turc à un système de rigueur et de compression destiné à étouffer, avant qu’elles se produisent, les protestations des races chrétiennes. La diplomatie européenne est ainsi acculée à une étrange alternative. « Elle est forcée, écrivait en 1895 M. Francis de Pressensé, de pratiquer le culte du fait accompli. Par là elle se donne l’apparence de pousser aux pires excès en sens opposé : d’encourager tout ensemble les Turcs à sauvegarder leur suprématie par tous les moyens, puisqu’une fois perdue ils ne la retrouve-