LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS 69 voir au rang de vérités intangibles ce qui n’était, le plus souvent, pour lui, que l’expédient temporaire d’une politique dans l’embarras. La répression de la traite des nègres lui a servi jadis à prétendre au « droit de visite » qui n’était qu’un procédé vexa-toire pour affirmer la suprématie maritime de la Grande-Bretagne ; et, pour ne citer qu’un autre exemple, ou n’a pas oublié comment, à la faveur de la guerre russo-japonaise et de l’incident de Camranh, il a tenté de nous imposer des règles de neutralité conformes aux intérêts anglais et contraires aux nôtres. Nous allons voir comment, en Orient, à propos des Détroits et de la liberté de la Mer-Noire, il a usé de ce procédé, avec une habileté supérieure, pour le plus grand avantage de sa politique. Vue de Constantinople, la question de l’ouverture ou de la fermeture des Détroits ne comporte guère non plus de règle sans exception, de principe invariablement applicable. Le Bosphore est si étroit que, s’il était ouvert aux bâtiments de guerre, le Sultan pourrait, à chaque instant, de son palais d’Yildiz-Kiosk, voir défiler sous ses yeux, à très courte distance, des canons qui, dans un moment de tension diplomatique, pourraient devenir menaçants : toute sécurité deviendrait impossible pour l’Empire ottoman, toute indépendance illusoire ; la résidence même de son souverain, le siège de son gouvernement seraient constamment à la merci d’un coup de force. Il suffit qu’une escadre franchisse un détroit mal défendu pour obliger le Sultan à toutes les capitulations : avantage singulier delà position de Constantinople! Mais le remède, d’autre part, est à côté du mal; menacé par terre, le Sultan peut faire appel à une escadre amie et lui ouvrir les Détroits. Depuis