24 l’évolution contemporaine gouvernement libéral de la Grande-Bretagne n’invoque que ses intérêts matériels. La question d’Orient, dans cette crise redoutable, apparaît bien comme un duel entre l’Angleterre et la Russie ; l’une et l’autre combat pour ce qu’elle proclame être ses intérêts essentiels : l’Angleterre pour la défense des routes de l’Inde par l’intégrité de la Turquie, la Russie pour la liberté des Détroits et l’extension de son influence par l’affranchissement des Slaves. Après la victoire des Russes et le traité de San Stefano, au moment critique où les armées du Tsar campent aux portes de Constantinople et où la flotte anglaise est mouillée à l’entrée du Bosphore, ce qui préoccupe le gouvernement de Londres, ce qui le décide à une action diplomatique énergique appuyée par des préparatifs militaires, c’est moins la Bulgarie étendue jusqu’à la mer Égée, Constantinople menacée, que les progrès des Russes en Asie, la cession d’un large morceau du massif arménien comprenant les sources de l’Euphrate, d’où il est facile de descendre en Mésopotamie, et une partie de la route qui, de Trébizonde, par Erzeroum, Alachkert et Bayazid, conduit les marchandises anglaises jusqu’au cœur delà Perse. S’il s’oppose à la création de la Grande-Bulgarie de San Stefano, c’est que lord Beaconsfîeld la croit destinée à rester dans la mouvance du grand Empire russe, qui, par là, trouverait un débouché, des ports sur la mer Egée, et menacerait le canal de Suez ! Contre ces périls, si exagérés soient-ils, l’Angleterre met en action toutes les ressources de sa diplomatie : lord Derby, trop tiède, donne sa démission (28 mars 1878) ; il est remplacé par lord Salisbury, plus ardent, mieux pénétré des doctrines impérialistes de Beaconsfield. Les réserves sont appelées ; des troupes indiennes arrivent à