LES NATIONALITÉS 155 tobre 1902, M. Steeg, alors consul de France à Salo-nique, les abus qui résultent du système de l’affermage des dîmes presque toujours adjugées à des beys influents, qui usent de la délégation de l’Etat comme d’un prétexte à toutes sortes d’exactions. S’il fallait une preuve de la gravité de cette question, on la trouverait dans le fait que les deux derniers mouvements insurrectionnels ont commencé par le massacre d’agents chargés de la perception des dîmes. » Quelques semaines plus tard, le 3 décembre, le même agent signalait « ses appréhensions sur les dispositions des beys de l’intérieur lésés dans leurs intérêts de propriétaires fonciers et dans leur amour-propre de seigneurs féodaux par l’insuccès des mesures prises par les autorités, et tout prêts à saisir le moindre prétexte pour se charger de rétablir l’ordre à leur manière1. » Autant qu’on en peut juger, il semble que les beys musulmans ont exercé leurs droits avec d’autant plus de rigueur à mesure qu’en ces dernières années ils sentaient leur pouvoir plus instable et les haines plus impatientes. C’est le sort de toutes les classes privilégiées ; dès qu’elles commencent à croire leurs prérogatives menacées, loin d’entrer en composition, de faire la part du feu, elles deviennent plus intransigeantes, dans l’espoir toujours trompé d’étouffer par la force les revendications dont elles sentent monter autour d’elles la clameur révolutionnaire ; et c’est ainsi qu’elles précipitent leur propre chute et qu’elles préparent, de leurs propres mains, cette translation de la propriété qui est, comme l’a montré Taine, la raison profonde et l’aboutissement fatal de toutes les révolutions. i. Livr» Jaune de 1902, n«' 32 et 42.