114 LA QUESTION DE MACÉDOINE maîtres de la commune, prétendent devenir aussi maîtres de l’église et aspirent à constituer une organisation religieuse autonome. L’autorité turque, surtout après les guerres de l’indépendance grecque, se montre volontiers favorable à ces prétentions qui lui paraissent inoffensives et qui, en semant la désunion parmi les chrétiens, affaiblissent l’hellénisme et énervent la force de résistance des « raïas ». C’est pour la même raison que les Turcs, aujourd’hui, sont enclins à favoriser les prétentions des Yalaques ; en 1870, opposant église à église, ils accordent au schisme bulgare une organisation autocéphale et reconnaissent la juridiction de l’exarque et sa qualité de chef de la communauté bulgare. Mais, ces progrès mêmes de la nationalité bulgare sont encore, indirectement au moins, un bienfait des Grecs. Ce sont les insurrections grecques qui ont décidé la Porte à accorder des concessions aux Slaves : la reconnaissance de l’exarchat a suivi l’insurrection crétoise de 1869, et les plus grands progrès du bul-garisme ont suivi la guerre de 1897. Les Turcs ont la crainte de l’hellénisme et la haine du patriarcat ; ils savent que « l’idée » hellénique est la seule force capable de coordonner les efforts des chrétiens et de chasser enfin d’Europe le successeur de Mahomet II. Encore aujourd’hui, malgré les intrigues de Sofia et l’ascendant de Saint-Pétersbourg, beaucoup de paysans, qui parlent cependant entre eux un dialecte slave, restent Grecs de cœur et de civilisation. Ce sont des Grecs « slavophones » ; leur idiome n’est qu’un patois sans littérature ; la langue de la civilisation reste, pour eux, le grec, et il a fallu toutes les violences de la propagande bulgare pour arracher à la grande patrie idéale, l’hellénisme, une partie des paysans macédoniens et pour les amener,