LA MER-NOIRE ET LA QUESTION DES DÉTROITS 67 d’exceptions où aime à s’exercer la subtilité des diplomates et où se complaît la casuistique savante des professeurs de droit international, ne saurait-on trouver un fil conducteur, une méthode propre à faire comprendre la nature de la question, sa vraie portée et les raisons réelles qui décident des variations du droit selon les fluctuations des intérêts? C’est ce que nous voudrions tenter de faire. I Il faut, dit-on, qu’une porte soit ouverte ou fermée ; mais, en politique internationale, le proverbe est plus facile à formuler qu’à mettre en pratique. Il est aisé à un État puissant, maître des deux rives d’un détroit de très faible largeur, comme le Bosphore et les Dardanelles, soit d’eu fermer, soit d’en ouvrir le passage à tout venant ; mais vient-il à l’ouvrir à ses amis pour le fermer à ses adversaires : voilà une source de conflits. A plus forte raison, si cet Etat est faible, la question du passage engendre d’interminables querelles : comment fermera-t-il la porte à un voisin plus puissant? Et, s’il se montre incapable d’assurer la clôture, ne sera-t-il pas forcé d’accepter, — comme la Turquie a dû le faire, — une sorte de tutelle dont les autres nations se disputeront l’avantage? Aucun code international ne règle l’ouverture ou la fermeture des détroits ; ce sont les intérêts des forts qui en décident ; or ces intérêts sont complexes, parfois contradictoires, et ils varient selon les temps et les circonstances. La Russie, par exemple, quand son influence est prépondérante à Constantinople, trouve son avantage à