DE LA QUESTION D’ORIENT 43 ront jamais, et les raïas à secouer le joug par tous les moyens, puisqu’une fois affranchis, ils ne seront plus réasservis. C’est immoral : c'est inévitable. » C’est toute l’histoire de la question arménienne depuis 1895. L’application de l’article 61 à l’Arménie rencontrait d’autant plus de difficultés que, ainsi qu’on l’a souvent répété, il y a des Arméniens, et en grand nombre, mais partout ils sont mélangés, dans des proportions variables, à des éléments musulmans ; dans aucun vilayet, ils ne constituent la majorité. A Constantinople, où ils étaient nombreux, un bon nombre d’entre eux avaient occupé d’importantes situations ; surtout dans la période qui a précédé les événements tragiques de 1896, certains d’entre eux tenaient, par leur fortune ou leur autorité sociale, une place considérable dans la capitale. Le traité de San Stefano, qui aurait libéré une bonne partie de l’Arménie, et surtout le traité d’alliance anglo-turc du 4 juin 1878, suivi du traité de Berlin et de l’occupation de Chypre par les Anglais, suscitèrent, dans les classes supérieures du peuple arménien, un espoir qui n’allait pas tarder à être déçu ; il se forma un parti, bien plus nombreux à Constantinople et en Europe qu’en Arménie même, qui travailla à préparer l’émancipation nationale. Des comités arméniens révolutionnaires se constituèrent, surtout en Angleterre, où ils trouvaient un asile et des encouragements : leur but était de forcer l’intervention des puissances en leur faveur en travaillant l’opinion publique européenne et en provoquant des troubles en Arménie, à Constantinople et dans tout l’Empire. Ces Arméniens cosmopolites, imbus des doctrines révolutionnaires de l’Europe, affiliés aux organisations secrètes, ne se rendaient pas compte que leur zèle