DE LA QUESTION d’oRIENT 57 VI L’influence économique* et politique de l’Allemagne à Constantinople s’est affirmée de plus en plus en ces dernières années; nous verrons comment elle s’est manifestée, notamment à propos des affaires de Macédoine, dans un sens absolument conservateur de l’intégrité de l’Empire ottoman, de la souveraineté du Sultan et de son autorité de Commandeur des Croyants. En vain Abd-ul-Hamid a-t-il parfois timidement essayé de faire contrepoids à l’hégémonie germanique, en reprenant le jeu de bascule qui lui a si souvent réussi : il ne saurait plus désormais, môme s’il le voulait résolument, échapper complètement à cette protection, un peu lourde à la vérité, mais qui, pour lui, reste la plus profitable et, pour le moment, la moins dangereuse de toutes celles qu’il avait essayées jusqu’ici. Pour la Russie et môme pour l’Autriche-Hongrie, l’Empire ottoman était un obstacle à une marche vers la mer Egée ou le golfe Persique ; entre les mains de l’Angleterre, il était une barrière dressée entre les routes de l’Inde et la poussée moscovite. Pour l’Allemagne, qui ne confine pas à ses frontières, il est l’allié nécessaire, le collaborateur sans lequel elle ne saurait ni acquérir ni garder les débouchés commerciaux de l’Orient et les routes de l’Asie. Pour l’Angleterre et la Russie, il était « un moyen » ; pour l’Allemagne, il est un but; c’est lui-même qui est, pour l’activité allemande, le champ d’expansion dont elle manquait; l’intérêt certain, durable, de l’Allemagne est donc de conserver et d’accroître la puissance turque et de se