LA FORCE BULGARE 459 Voilà le personnage dont il fallait d’abord, pour régner en Bulgarie, subir la tutelle et accepter la dictature. Il fallait, en outre, apaiser la Russie ou se maintenir malgré elle, et l’une ou l’autre alternative semblait également impraticable : l’exemple du prince de Battenberg était là pour montrer qu’il n’était possible ni de régner par les Russes malgré les Bulgares, ni de se maintenir par les Bulgares contre les Russes. La Bulgarie cependant avait besoin d’un prince pour retrouver une apparence d’ordre légal. L’Assemblée de Tirnovo, élue sous les auspices ou plutôt sous la pression de Stamboulof, s’avisa de choisir un Danois, le prince Waldemar, qui, trouvant la perspective peu engageante, préféra la cour paisible d’Elseneur aux hasards d’une royauté balkanique. Une nouvelle assemblée élut le prince Ferdinand de Saxe-Cobourg (7 juillet 1887). Ce petit-fils de Louis-Philippe avait alors vingt-six ans : il avait rang de lieutenant dans l’armée autrichienne, mais le métier des armes, aujourd’hui que les armes se portent surtout au fourreau, paraissait avoir peu d’attraits pour le jeune prince ; il vivait volontiers au palais familial des Cobourg ou au château d’Ebenthal, au milieu d’une petite cour qui avait conservé du xviii9 siècle le goût des belles-lettres et des choses de l’esprit. Quitter une existence paisible, la libre culture des sciences et des arts, le rang et les prérogatives princières sans les charges et les périls, et pour quel trône! la perspective n’était ni séduisante, ni même rassurante. Mais gouverner des hommes, vivre l’histoire, la faire, suivre, dans le cours des événements, dans les destinées d’un peuple, l’effet direct d’une volonté intelligente, n’est-ce pas, pour certaines natures, la plus noble des ambitions et, quand une fois on l’a goûtée, la plus élevée