204 LA QUESTION DE MACÉDOINE geance du Comité atteindrait sa famille, ses troupeaux, sa maison ; il aime mieux passer pour voleur.» En voici d’autros, en foule, condamnés pour délit de propagande; il en est, sans doute aussi, parmi eux, qui ont tué, mais c’est les armes à la main, pour obéir à une consigne qu’ils regardent comme légitime, comme sacrée; presque tous sont très jeunes, et, si nous ne savions que c’est ici une geôle, nous pourrions nous croire dans quelque pension d’étudiants. Sur les physionomies n’apparaissent aucun de ces stigmates de la misère morale, du vice, de la dégénérescence et du crime dont la vue rend si pitoyable la visite d’une de nos prisons; les visages sont ouverts, énergiques, les regards fiers. Voici de jeunes Grecs, avec la fustanelle nationale; ils sont arrivés tout récemment de Monastir où ils s’étaient battus, dans la prison, avec des musulmans; il y avait eu des morts. Leur allure dégagée, légère, leur gaieté, leur loquacité, l’animation de leurs figures, font un curieux contraste avec leurs voisins, des Bulgares aux longs cheveux très bruns, à la barbe noire et hirsute, à la bouche taciturne, aux grands yeux sombres voilés de mélancolie, avec ce regard à la fois sauvage et mystique si caractéristique de certains Slaves. Presque tous ont des livres et travaillent avec acharnement : ils poursuivent leurs rêves et leurs espérances; leur temps de prison est pour eux une préparation. Je vois entre les mains d’un Grec une grammaire franco-italienne; des Bulgares apprennent l’anglais, le français. Beaucoup sont des professeurs, des instituteurs, des étudiants, des prêtres. Nous causons avec les professeurs de l’école de Koumanovo, arrêtés en bloc, lors de l’affaire Kou-chef et condamnés pour affiliation au Comité : on a saisi des lettres adressées par eux au Comité de