DE LA QUESTION D’ORIENT 59 de l’Italie, dont les espérances dans l’Adriatique et en Tripolitaine s’accommoderaient d’une crise orientale. Il est vraisemblable qu’elle chercherait aussi à entraîner à sa suite la France : la question se pose de savoir si nos traditions, nos intérêts en Orient et notre situation en Europe nous engageraient à la suivre : peut-être les observations que nous avons pu faire, dans cette sorte d’introduction historique, aideront-elles le lecteur, sinon à la résoudre, du moins à la poser dans ses vrais termes. La Russie, pendant toute la période de son expansion en Extrême-Orient, a gardé, en Orient, une attitude expectante et réservée; elle a signé, en 1897, une convention avec l’Autriche-Hongrie pour maintenir le statu quo dans les Balkans, refréner les ambitions impatientes des nationalités de la péninsule et y conserver l’équilibre nécessaire à la paix; en 1903, la bonne entente des deux cabinets de Vienne et de Pétersbourg s’est encore manifestée par l’adoption du programme de Murzsteg pour la pacification et les réformes en Macédoine. Ni à Vienne, ni, jusqu’à ces derniers temps, à Pétersbourg, on ne prend ombrage des progrès de l’influence allemande à Constantinople ; à Vienne, on espère être de moitié dans la politique du Drang; à Pétersbourg, on compte sur le système de l’intégrité, pratiqué par l’Allemagne, pour empêcher une puissance européenne quelconque de mettre la main sur les Détroits, car, tant qu’ils demeureront aux mains des Turcs, l’espérance de voir se réaliser un jour les aspirations traditionnelles tant de fois déçues, reste, pour la Russie, parmi les possibilités de l’avenir. L’Allemagne se trouve donc en mesure de profiter de sa grande influence dans l’Empire ottoman pour y sauvegarder et au besoin pour y favoriser les in-