AU SEUIL DU XXe SIÈCLE 139 constate sur place que partout ils sont l’œuvre d’habiles agitateurs (1), et non pas le résultat spontané de l’irritation populaire. Il est donc permis de voir en eux moins une manifestation contre le comte Thun qu’une mobilisation générale des forces pangermanistes. § 2. — Si le « succès « de ces troubles constitue pour leurs organisateurs le plus puissant des encouragements, il présente aussi de l’intérêt pour l’observateur étranger; ils facilitent le contrôle de la répartition géographique des centres prussophiles et leur évaluation numérique. Dans la région viennoise,à l’ouest et au sud (2),les populations allemandes sont encore en immense majorité profondément attachées aux Habsbourg. Les Pangermanistes n’existent que dans certaines villes ; ils y forment des groupements numériquement faibles, mais ardents et parfaitement organisés. Salzbourg, Linz, Innsbruck, Neustadt, Leo-ben, Graz, Judenbourg, Marbourg, Cilli, Villach, Klagen-furth, Trieste (3), sont leurs centres principaux. Par contre, dans la Bohême dite allemande et surtout dans l’arc de cercle formé par Troppau, Trautenau, Reichenberg, Leit-meritz et Eger, les sentiments autrichiens, sauf dans les communes tchèques, ont à peu près complètement disparu. A quel chiffre correspond l’ensemble des Prussophiles? Leurs progrès rapides rendent une évaluation numérique bien délicate. Il y a quatre ou cinq ans, on eût serré la vérité de près, en parlant de quelques milliers de tètes ; aujourd’hui, il en est autrement. Un premier point est certain, c’est que ce nombre est beaucoup plus important que (1) v. les dépêches adressées à la fin d’août 1899 au Daily Telegraph par son correspondant autrichien. (2) V. les teintes violette et rose pâle de la carte dite Répartition géographique des partisans et des adversaires du fédéralisme en Autriche, p. 54. (3) Jusqu’ici, le groupe de Trieste s’est abstenu de toute démonstration. Sa consigne est de travailler sans éclat afin de ne pas éveiller trop tôt les susceptibilités italiennes.