412 L'EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE l’opinion européenne se prononçait contre toute violation des droits des peuples de l’Autriche, une pareille manifestation donnerait une autorité considérable à cette grande quantité de sujets de Guillaume II, qui s’oppose encore à sa dangereuse politique mondiale. Certes, il ne faut pas se faire d’illusions. La presse allemande est à peu près entièrement entre les mains du gouvernement de Berlin. (On l’a bien vu lors du voyage du président Krüger à Cologne.) Si elle recevait l’ordre de faire le silence, le peuple allemand ne connaîtrait que très imparfaitement la réprobation qui atteint à l’étranger les projets inadmissibles de son souverain. Mais si, pour cette cause, le résultat du courant d’opinion franco-austro-russe restait douteux, il est un autre résultat qui, celui-là, serait absolument certain. En effet, dès que l’opinion dominante aurait manifesté son opposition à une nouvelle extension continentale de l’Allemagne, le gouvernement de Berlin se trouverait dans l’obligation absolue de dévoiler ses véritables intentions; il devrait choisir entre deux alternatives : ou bien, voulant témoigner de sa correction et détruire toutes les défiances, il dissoudrait les associations dangereuses pour la paix et il arrêterait net, par les puissants moyens dont il dispose, la propagande pangermaniste sur son territoire et, par suite, en Autriche; ou bien, il conserverait son attitude actuelle, et il démontrerait d’une façon indubitable que toutes les craintes sont fondées, que le péril est imminent. Ce serait alors aux gouvernements, qui ont des raisons vitales de vouloir le maintien du statu quo continental, à entrer en scène. Or, il suffit aux deux gouvernements de Paris et de Péters-bourg d’envisager à leur point de vue le problème autrichien et de se rappeler ce mot du prince de Bismarck : « Qui sera maître de la Bohême sera maître de l’Europe, » pour que l’évidence et la grandeur des intérêts en présence déterminent entre eux un accord décisif; il permettrait, en effet, comme on va voir, de faire face victorieuse-