VI PRÉFACE pas assez d’injures pour le Dr Rieger. Cela ne saurait étonner. Son mémoire avertissait la France de ce qui la menaçait : «La fièvre de conquêtes qui caractérise la race germanique revivra indubitablement dès que la belliqueuse Prusse marchera à la tête de la grande fédération allemande. » Les vues contenues dans ce document avaient tant de valeur que le général prussien Papke, amené un jour à en parler, n’hésita pas à dire : « Si j’étais l’empereur d’Autriche, je donnerais à M. Rieger pour son mémoire la grand’croix de Saint-Léopold, et si j’étais le roi de Prusse, je l’enfermerais à Spandau (1). » Les voyages de M. Rieger furent inutiles. La diplomatie française ne sut tirer aucun parti des renseignements précieux qui lui étaient apportés. Après la guerre franco-allemande, parallèlement à Edouard Hervé, quelques Français aux vues pénétrantes suivent le développement des choses d’Autriche. Dans de nombreux ouvrages, M. Louis Léger s’efforce de rendre plus justes nos notions sur le monde slave. Il montre que l’idée panslaviste ne menace pas les Habsbourg. « Nous avons en France contre cette idée, dit-il, bien des préventions; mais le rapide développement delà puissance allemande nous fait un devoir impérieux de dépouiller les vieux préjugés, d’étudier en face les faits et les idées, et de chercher avec persévérance tout ce qu’on en peut tirer d’utile pour la politique extérieure de la France (2). » C’est à une diplomatie prévoyante qu’il appartient de distinguer les éléments de l’Autriche et d’en évaluer les forces. « La France suit avec un trop vif inté- (1) Je tiens cette anecdote de l’entourage immédiat du Dr Rieger. (2) Louis Léger, le Monde slave, p. 304. Hachette, Paris, 1897.