X PRÉFACE dépêche d’Ems constituent l’exemple le plus retentissant des conséquences qui peuvent résulter, en politique étrangère, de la simple falsification d’un texte. On considère volontiers comme exceptionnel l’emploi de ce « procédé » politique ; il est cependant d’un usage courant. Les gouvernements qui poursuivent l’exécution de grands projets l’appliquent journellement, car ils ont un intérêt constant à donner à leurs ressortissants et surtout à leurs voisins l’orientation d’esprit favorable à l’accomplissement de leurs secrètes entreprises. La presse est leur moyen d’action permanent. « C’est une force nationale comme la diplomatie, comme l’armée, comme le crédit. » A Berlin, on l’a merveilleusement compris. On s’y est ingénié, et on est parvenu à exercer une influence réelle sur les principales agences télégraphiques, qui procurent aux journaux leurs informations extérieures. D’habiles suppressions, des réticences savantes suffisent à donnera une dépêche le caractère tendancieux que seul peut reconnaître un observateur très informé. Ces altérations de la vérité, continuées méthodiquement pendant des années, produisent des résultats extraordinaires. C’est grâce à elles qu’au moment du conflit avec l’Autriche en 1866 « une partie de l’opinion française égarée continue à soutenir la Prusse (1) », et qu’après Sadowa les mêmes appréciations erronées subsistent, indestructibles, jusqu’à la guerre franco-allemande. Un gouvernement qui, comme celui de Berlin, doit sa puissance à une telle méthode ne l’abandonne pas ; il la perfectionne et la modernise. (1) M. Paul Deschanel, discours de réception à l’Académie française.