300 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE au territoire allemand, il est si notoirement insuffisant que, lorsque les marchandises allemandes, déjà chassées des Etats-Unis, gênées en Russie par les nouveaux tarifs, ne pourront plus se vendre dans les pays britanniques, réunis dans une immense union douanière, l'Allemagne, dont la fortune est basée sur le commerce d’exportation, ne vivra plus qu’avec difficulté. Cet ensemble de « faits » économiques a suscité un état de choses tout nouveau. La Russie étant libre d’agir en Extrême-Orient, la France exclusivement absorbée par ses divisions intérieures, les Etats-Unis, l’Angleterre et l’empire allemand, ne songeant, au contraire, qu’à s’assurer le bénéfice exclusif de leurs possessions actuelles ou à en acquérir de nouvelles, se sont lancés forcément dans des voies conquérantes. 11 en est résulté l’éclosion simultanée de trois impérialismes : L’impérialisme américain ; L’impérialisme anglais; L’impérialisme allemand. Si maintenant l’on considère ensemble ces cinq grandes puissances, on constate que l’âpreté de la lutte économique est devenue telle qu’on peut les comparer aux naufragés du radeau de la Méduse, où les plus forts se trouvent amenés, pour subsister, à se partager les plus faibles. Les États-Unis ne peuvent rien par la force contre l’Europe ; leur véritable sphère d’action est l’Amérique du Sud, qui peut-être leur suffira; la Russie est pour tous difficilement accessible ; la France néglige de s’occuper de l’extérieur; en réalité, tout l’intérêt de la situation réside dans l’orientation définitive que prendront l’Allemagne et l’Angleterre. Or, l’Anglais ne peut songer raisonnablement à expulser le commerçant allemand des territoires britanniques qu’à la condition de lui fournir une compensation sous la forme d’un champ d’action suffisant pour son trafic nécessaire.