64 L’EUIIOPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE triomphes de l’expansion économique et coloniale, succédant à ceux des champs de bataille, les Allemands ont perdu leur modération de jadis, et l’exaltation de leur suprématie sous toutes les formes est devenue le thème courant de leurs écrivains. « Nous sommes, dit l’un d’eux, les meilleurs colons, les meilleurs matelots et même les meilleurs marchands... Nous sommes le peuple le plus intelligent, le plus élevé dans les sciences et dans les arts... Nous sommes, sans aucun doute, le peuple le plus guerrier de la terre (I). » Bientôt, la fondation de l’empire allemand apparut comme le commencement et non comme la fin du développement national (2). On admit avec Paul de Lagarde que 1871 de même que Sadowa étaient de simples épisodes historiques (3). Sans doute, jusqu’à présent, les Ilohenzol-lern ont accompli une tâche immense, mais il leur reste encore beaucoup plus à faire (4). On conclut : Il faut maintenant continuer l’œuvre de Guillaume I" (5). Des ambitions nouvelles, vagues mais impérieuses, s’emparèrent donc des Allemands. En 1892, une curieuse brochure, intitulée : Un Empire allemand universel (6), commença à les préciser. Trois mystérieuses étoiles tiennent lieu de signature à ces pages qui, relues aujourd’hui, semblent avoir été prophétiques. Elles établissent combien les idées pangermanistes étaient encore indécises dans le public allemand il y a seulement neuf années; elles permettent de mieux apprécier l’étonnante ra- (1) F. Ri.ey, Die Weltslellung des Deutschtums, p. 21. Lehmann, Munich, 1897. (2) Idem. (3) Paul de Lagaude, Deutsche Sclirifteii, p. 113. Dieterich, Gottingen, 1892. (4) Deutscliland bei Beginn des 20. Jahi hunderts, p. VII. Militar-Verlag II. Félix, Berlin, 1900. (5) G. Waldedsee, li as Deutscliland brauclit, p. 15. Thormann, Berlin, 1895. (6) Ein Deutsches Weltreich. Lüstenoder, Berlin, 1892.