AU SEUIL DU XXe SIÈCLE 301 D’autre part, il n’existe plus dans le monde de grandes terres libres, propres aux exportations européennes ; l’Allemand ne peut donc espérer s’assurer de vastes débouchés qu’à la condition de les conquérir aux dépens de puissances qui possèdent actuellement des colonies. En outre, l’extension du Zollverein à l’Autriche serait pour lui un moyen excellent d’atteindre ce but; cette extension lui permettrait en effet d’être en communication économique directe avec les pays des Balkans et de l’Orient dont il veut faire ses principaux clients. La simple vue de la carte établit que seuls le territoire colonial français et l’empire des Habsbourg, point de jonction entre l’empire allemand et ¿’Orient, permettent aux Anglais à la fois de trouver, par voies d’échanges, la matière des soudures qu’ils jugent nécessaire de faire en Afrique et de donner aux Allemands la possession économique de terres suffisamment riches et peuplées pour les détourner des pays britanniques. Il ny a en effet que deux combinaisons possibles : ou bien les Anglais ou les Allemands, dont les intérêts commerciaux sont diamétralement opposés, lutteront entre eux sans merci, ou bien ils s’entendront aux dépens de tiers qui dans l’espèce ne peuvent être que la France et ïAutriche. Par suite le territoire colonial français et le sud de l’Europe centrale apparaissent rationnellement comme le terrain de conciliation entre Allemands et Anglais. Il peut donc très bien se faire que l’accord anglo-alle-mand se résume en une combinaison dont le but essentiel est de permettre la coexistence de l’impérialisme allemand et de l’impcrialisme britannique. 1N’est-il pas légitime de le supposer? En novembre I8i)9, l’empereur Guillaume II s’est rencontré avec M. Chamberlain au château de Windsor. Pendant quelques jours, le plus grand mystère a plané sur l’entrevue. On savait simplement que les deux interlocuteurs avaient fait assaut