82 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE L’objection tirée du caractère anonyme de quelques brochures ne semble pas pouvoir être pris en sérieuse considération. D’abord, des sociétés puissantes dont quelques-unes comptent plus de 20,000 membres, comme l’Union pan-germanique (voir page (58, note 1), patronnent la plupart de ces publications non signées. Il faut remarquer en outre qu’en général les publicistes extravagants, bien loin de cacher leur personnalité, l’affichent au contraire avec ostentation. Aussi, loin d’être une cause de discrédit, l’anonymat d’une série de brochures pangermanistes révèle au contraire leur importance et constitue dans l’espèce comme une marque de fabrique. Quiconque connaît l’histoire de l’Allemagne sait que le gouvernement de Berlin s’emploie volontiers à orienter l’opinion préalablement aux événements au moyen de brochures anonymes. On pourrait le prouver par des exemples nombreux. Un seul, cité par un historien dont le sérieux ne saurait être mis en doute, suffira. En 1866, M. de Goltz, ambassadeur de Prusse à Paris,, fit a répandre une brochure anonyme dont l’auteur s'efforçât de démontrer combien l’alliance de la France et de la Prusse serait avantageuse pour les deux pays (1) ». Enfin l’argument qui consiste à dire qu’on ne saurait accorder beaucoup d’importance aux idées politiques des auteurs pangermanistes, parce qu’ils développent des plans d’une grandeur insensée, ne vaut pas davantage. Toutes les crises de transformation de l’Allemagne ont été précédées d’une agitation littéraire, pendant laquelle des projets en apparence irréalisables et même fous étaient livrés à l’opinion (2). L’histoire a démontré qu’ils contenaient cependant toujours une forte part de vérité. (1) Debidoub, Histoire diplomatique de l’Europe, t. II, p. 291. Alcan, Paris, 1891. (2) Dès 1848, l'érudition complaisante des Allemands étendait démesurément les limites de la patrie germanique. « Ils nous regardaient toujours comme des ennemis et nous reprochaient plus aigrement que jamais d’avoir acquis l’Alsace et la Lorraine... » Debidoüh, op. cit., t. II, p. 11.