156 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE pour qu’ils consentent à la perdre au profit des Russes. C’est ce que donnait à entendre avec une netteté absolue, dès 1868, la Correspondance tchèque, qui alors paraissait à Berlin : « Nous devons assurément remercier les journaux russes de leurs paroles sympathiques, mais nous sommes obligés d’exprimer nos opinions, surtout en nous adressant pu Golos, dont l’idéal est la réunion de tous les Slaves en une seule nation, union à la réalisation de laquelle il faudrait tendre de toutes ses forces comme vers un but supérieur ; nous sommes obligés de dire que nous ne partageons pas ce désir, ne voulant à aucun prix renier notre histoire et perdre notre individualité. Nous voulons rester ce que nous sommes, c’est-à-dire une nation; c’est comme nation et non autrement que nous voulons rester en bonnes relations avec les autres nationalités slaves. « Le temps n’a fait qu’accroître les raisons qui justifient ces lignes. D’ailleurs, les Tchèques ne sont-ils pas séparés de la Russie par des centaines de kilomètres occupés par des masses polonaises? Pour les Slovènes et les Serbo-Croates, la question ne saurait se poser. La Hongrie forme entre eux et l’empire des Tsars une barrière, que peuvent seuls franchir les politiques qui se complaisent dans le monde des chimères. La vérité, c’est que le Panslavisme politique n’a jamais été qu’un épouvantail. Les Polonais l’ont agité à l’époque où leur lutte avec la Russie était dans toute son acuité; ils avaient alors intérêt, à ameuter l’Europe contre les Russes. Les Allemands ont repris ensuite à leur profit le thème pans-laviste, tâchant de montrer dans les Slaves d’Autriche des fauteurs de troubles et des préparateurs de guerre; aujourd’hui enfin, les partisans de la Grande-Allemagne s’en servent à leur tour, invoquant le Panslavisme comme une excuse et même comme une raison d’être du Pangermanisme. Le moment est venu de ne plus être dupes d’un fantôme et d’une calomnie, profitable seulement à ceux qui,