22 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE Ces sentiments séparatistes paraissent justifiés surtout par des considérations sentimentales. Les Italiens d’Autriche ont plutôt à se louer du gouvernement de Vienne, qui montre d’assez grands égards pour leurs droits nalionaux, non pas sans doute par raison d’équité, mais comme conséquence d’un calcul politique qui rappelle l’astucieuse tactique de l’ancienne république de Venise. La bureaucratie centraliste admet en effet qu’il faut faciliter 1’ « italianisa-tion » de l’Istrie et de la côte dalmate, parce qu’elle espère qu’en opposant les Italiens aux Slaves du sud, possesseurs naturels du sol, Latins et Slaves se neutraliseront réciproquement et qu’un jour les Allemands pourront plus facilement s’implanter dans le pays. Les Slovènes se trouvent ainsi avoir à lutter au nord contre les Allemands et au sud contre les Italiens. Plus favorisés, les Serbo-Croates n’ont que ces derniers comme adversaires. Tous ces Slaves, en grande majorité paysans ou montagnards peu fortunés, ont eu à vaincre des difficultés sans nombre avant de parvenir à s’organiser. Après I86T, ils l’étaient cependant suffisamment pour protester contre la centralisation allemande. Depuis, leurs progrès ont été continus. Ils ont conquis de haute lutte la majorité à la Diète et au conseil municipal de Ljublania (Laybach) et possèdent maintenant vingt-quatre représentants au parlement de Vienne. Ces succès électoraux n’ont arraché au pouvoir central que des concessions minimes et peu nombreuses : en 1880, le baron Prajak, d’ailleurs de nationalité tchèque, a introduit la langue slovène comme langue « extérieure » des tribunaux, c’est-à-dire que, dans leurs rapports avec les parties, les tribunaux du sud cisleithan peuvent employer le slovène au même titre que l’allemand ; en 1893, des classes slovènes ont été établies parallèlement aux classes allemandes du lycée de Cilj (Cilli) ; en outre des écoles primaires ont été fondées en Carinthie et dans le sud de la Styrie. C’est là à peu près tout ce que les Slovènes