AU SEUIL DU XXe SIÈCLE 55 Or, on ne saurait trop se pénétrer de cette idée : l’établissement du ti fédéralisme » constitue une réorganisation purement intérieure de F Autriche qui ne met nullement en cause ses frontières actuelles : « fédéralisme en Cisleithanie » est l'antithèse de « démembrement de ïAutriche. » Un raisonnement fort simple permet de s’en convaincre : les dix-huit millions de fédéralistes dont on vient de constater l’existence sont nécessairement opposés à tout démembrement. Le démembrement, en effet, rendrait impossible la réalisation de leur idéal politique. Pour fixer maintenant le nombre des Autrichiens qui veulent le maintien des frontières actuelles, il convient d’ajouter aux dix-huit millions de fédéralistes les trois millions d’Allemands de la nuance Lueger, — teinte rose pâle, — qui, loyalement dévoués aux Habsbourg, sont profondément Autrichiens, mais n’admettent cependant pas encore les réclamations des Slaves. Cela fait donc au total vingt et un millions d’Autrichiens absolument convaincus de la nécessité de conserver les frontières actuelles. Combien partagent l’opinion contraire? Environ trois millions de Prussophlles, groupés dans les dernières années par la campagne pangermaniste (Y. chapitre III), auxquels il convient d’ajouter le million de Latins cisleithans séparatistes. En effet, les uns veulent se réunir à la Roumanie et les seconds à l’Italie (1). C’est donc quatre millions d’Autrichiens imbus d’idées séparatistes. La disproportion existant entre les chiffres de quatre et de vingt et un est si considérable qu’on peut hardiment conclure : Il n’y a pas à l’intérieur de F Autriche de force susceptible d en produire la dissolution, et ceux qui la désirent sont (1) La réalité de ces sentiments n’est pas ilouteuse. Quelques jours avant le 18 août L900, fête du soixante-dixième anniversaire de la naissance de empereur l'ran cois-Josepli, la police a dû arrêter à Trieste une centaine individus qui criaient: « A bas l’Autriche ! Vive l’Italie! Vive Victor-Emmanuel ! »