356 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AÜ TRICHE affaires et se sont si complètement immiscés partout, ne parviendront pas à maintenir la diplomatie ottomane dans le sillage de celle de Berlin. En présence d’une situation aussi peu claire, il est impossible de conclure et de présager quelle orientation pourrait prendre le Sultan au moment décisif. § 2. — Pays jeune, en pleine formation, encore sans industrie, la Bulgarie fait venir du dehors et surtout d’Autriche les objets fabriqués qu elle consomme. Elle lui vend par contre la majeure partie de ses récoltes et de son bétail. Les deux pays, clients réciproques, bénéficient ainsi de l’état de choses actuel. Les Bulgares ont encore d’autres raisons très puissantes de chercher à le conserver. En opposition constante avec les Roumains que soutient la chancellerie de Berlin, ils voient leur gouvernement de Sofia exposé sans relâche aux attaques et aux calomnies de la presse tri— plicienne. Il en résulte que les Bulgares n’ont aucune sympathie pour les Allemands de l’empire et comme ils forment sur la route de Constantinople le même obstacle que les Tchèques sur la route de Trieste, toute extension de l’Allemagne vers le sud menacerait leur indépendance. On a donc, semble-t-il, des raisons d’admettre que le concours des Bulgares est virtuellement acquis à tout groupement de puissances, établi dans le but de faire obstacle à cette extension, à une condition toutefois : c’est que la Russie fasse partie de la combinaison. Cette réserve doit être faite. La politique du prince Ferdinand semble définitivement fixée. Dans les plus humbles cafés de Sofia, les portraits de la famille impériale de Russie témoignent des sentiments des Bulgares pour leurs libérateurs. Si le Tsar fait un signe, les sujets du prince Ferdinand marcheront; s’il se tait, il leur faudra bien, impuissants par eux-mêmes, voir les Allemands accaparer les forces qui leur permettront d’écraser un jour le peuple bulgare.