424 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE de ce fait capital et à décider leurs gouvernements à prendre au plus tôt les mesures préservatrices. Du jour où les cabinets de Paris et de Pétersbourg auront su grouper toutes les forces qui s’offrent à eux, du jour où ils seront prêts à tirer parti de tous les avantages que le temps leur a ménagés, ils auront protégé l’Europe contre tout éclat de la dangereuse politique de Guillaume II, et si, contre toute sagesse, l’ambition pangermaniste l’emportait, ce ne serait alors ni la France ni la Russie qui auraient à supporter les terribles conséquences des batailles perdues. Il suffit d’ailleurs que ce résultat apparaisse comme à peu près certain pour que les éventualités belliqueuses deviennent le moins probables. Du moment où il serait notoire que les troupes du Tsar et de la République auraient à combattre avec le maximum de chances de succès, il est certain que le peuple allemand lui-même exercerait sur son empereur une forte pression en faveur de la paix; la folie des grandeurs qui règne à Berlin s’apaiserait graduellement; la sécurité reviendrait en Europe et l’évolution naturelle de l’Autriche pourrait se terminer. En effet, les Prussophiles, cessant de trouver à Berlin le soutien qui les a fait vivre, deviendraient impuissants en Cisleithanie. Gela ne fait aucun doute. Les auteurs du mouvement pangermaniste le reconnaissent implicitement : « En fait, si les Allemands d’Autriche ne peuvent compter que sur eux, ils auront à supporter bien des années encore les peines de leur misère (1). » «... Je crois que la compression des Tchèques par les Autrichiens n’est guère possible sans une aide étrangère (2). » Certes, le calme intérieur ne (1) « Aber zur Tliat werden sich die Deutschen aus sich selbst heraus noch lang nicht erheben, dazu müssen sie noch viele Jahre in dem Feuer österreichischer Misswirthschaftgepeinigt und geläutert werden. .. » Deutschland bei Beginn des%0. Jahrhunderts, p. 102. Militär-Verlag, Berlin, 1900. (2) «... ich glaube, dass die INiederkämpfung des Tchechenvolkes den Oesterreichern ohne fremde Hilfe kaum gelingen wird. » Oesterreichs Zusämmenbruch und Wiederaufbau, p. 9. Lehmann, Munich, 1899.