416 L’EUROPE ET LA QUESTION D'AUTRICHE Ces mesures d’ordre diplomatique, si importantes soient-elles, ne constituent encore que la partie accessoire de ce qu’il convient de faire. Dès 1842, Bismarck a voulu l’annexion de l’Alsace; von Moltke a rédigé son plan d’attaque contre le Danemark en décembre 1862, et en 1860, donc six années avant l’action, 11 a préparé militairement toutes les hypothèses susceptibles de naître d’une guerre avec l’Autriche (1). Ces précédents, joints aux enseignements si nets de la campagne pangermaniste, autorisent à considérer comme certain que tous les plans d’invasion de la Cisleithanie existent actuellement à Berlin dans les bureaux du grand état-major. On doit donc, à Paris et à Pétersbourg, s’inspirer du sage conseil donné aux députés du Reichstag par le général von Gossler, ministre de la guerre prussien : « Ni la grandeur des Etats, ni l’improvisation, ni l’enthousiasme, ni le fanatisme, ne peuvent remplacer les préparatifs soigneusement faits pendant la paix (2). » Ceci revient à dire que toutes les hypothèses stratégiques auxquelles peuvent donner lieu les événements d’Europe centrale doivent être minutieusement prévues par les états-majors français et russe, de telle sorte qu’au moment décisif, l’on puisse éviter cette perte de temps dont j’ai signalé plus haut les irrémédiables conséquences. Alors, aucune hésitation ne serait possible, et l’ordre de mobiliser l’armée allemande, lancé par Guillaume II, mobiliserait, en quelque sorte automatiquement, l’armée russe et l’armée française. Cette prévision de toutes les opérations militaires susceptibles de devenir nécessaires estd’ailleurs le plus sûr moyen (1) Colmar vos der Goltz, De la Conduite de la guerre, p. 184 et 244. Westhausser, Paris, 1900. (2) «...weder die Grösse der Staaten, nocli Improvisation, noch Begeiste-¡11 n" oder Fanatismus im Stande sein, die sorgfältige Friedensvorbereitung zu ersetzen. » Stenographische Berichte über die Verhandlungen des Reichstags. Xe législature, 1™ session 1898-1900, 1er volume. Séance du 12 janvier 1899, p. 186.