346 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE M. Ch. Loiseau a donc raison quand il dit : « L’empire allemand tend à devenir de plus en plus le conseiller diplomatique, le courtier financier et l’éducateur militaire de l’empire ottoman (1). » Et sir Ellis Ashmead Bartlett n’exagère pas quand il affirme : « Les Allemands absorbent simplement toute la Turquie. » Ces résultats extraordinaires de la politique de Guillaume II satisfont les Pangermanistes les plus exigeants. Pour le moment, ils cessent de réclamer le partage de la Turquie. « Il importe beaucoup à nous autres Allemands, dit l’organe du Dr Hasse, de renforcer la domination du Sultan et de la Turquie, puisque son existence est désirable pour l’Allemagne (2). » Dans son discours de Damas, Guillaume II a nettement montré que sa politique turque n’était qu’une introduction à sa politique musulmane. « Puisse Sa Majesté le Sultan, ainsi que les 300 millions de Mahométans qui vénèrent en lui leur Calife, être assurés que l’empereur allemand est leur ami pour toujours (3) ! » L’acte publié dans le moniteur officiel allemand, par ordre de l’empereur, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du règne du Sultan, a encore accentué la note ardente de ces sentiments : « Demain le Sultan aura accompli la vingt-cinquième année de son règne. En ce jour solennel, de toutes les parties de son vaste empire, s’élèveront vers le ciel des prières pour la prospérité du calife. » « Eu Allemagne, on songera avec plaisir à l’anniversaire d’un monarque dont la diplomatie prudente a toujours maintenu les relations entre la Turquie et l’Allemagne sur un pied d’une amitié que rien n’a troublée, dont beau- (1) Charles Loiseau, Balkan Slave, p. 227. Perrin, Paris, 1898. (2) « Uns Deutschen kommt es darauf an, die Herrschaft des Sultansund der Türkei zu kräftigen, weil für Deutschland die Existenz des türkischen Reiches erwünscht ist. » Alldeutschen Blätter 1879, p. 235. (3) « Mögen Seine Majestät der Sultan und mögen die dreihundert Millionen Mahommedaner, welche auf der Erde zerstreut lebend in ihm ihren Kalifen verehen dessen versichert sein, dass zu allen Zeiten der Deutsche Kaiser ihr Freund wird. » Cité dans Zur Heimkehr des Kaisers, von C. Conradt, p. 7. D. Reimer, Berlin, 1898.