AU SEUIL DU XXe SIÈCLE 231 de foot-ball de Copenhague vient concourir à Berlin. Par malheur, avant d’arriver dans la capitale de l’empire, elle a passé à Prague, où Tchèques et Danois ont fraternisé. A Berlin, les Danois trouvent sur le quai de la gare d’Anhalt les délégués de la société berlinoise de foot-ball « Germania » avec laquelle ils doivent se mesurer. Le visage de ceux-ci est glacial. L’un d’eux se détache du groupe de ses camarades et demande un entretien au chef de la délégation danoise, Andersen. Une conférence commence. Quatre Berlinois et deux Danois y prennent part. bout de deux heures, pour en finir, les Danois donnent une explication qui peut passer pour une excuse de leur réception par les Tchèques. Aussitôt, les nuages se dissipent et on leur fait bon accueil. Ces exemples pourraient être multipliés à l’infini. Le fâcheux état d’esprit qu’ils dénotent résulte au fond d’une cause unique : la Weltpolitik. La grande préoccupation d’en assurer le succès domine à ce point qu’en 1900 on a vu certains chefs de corps recommander aux réservistes qui venaient de terminer leur période d’exercer leur influence autour d’eux pour appuyer la politique de l’empereur. Or, la Weltpolitik impliquant une tendance perpétuelle vers la suprématie, il en résulte une tension d’esprit qui, par sa constance même, détermine visiblement chez beaucoup d’Alle-mands un véritable ébranlement nerveux. « Quiconque a suivi, même d’une manière superficielle, le mouvement pangermaniste est effrayé du grand nombre de gens qu’en Allemagne le développement extraordinaire de la prospérité du pays a frappés de la folie des grandeurs (1). » Les brochures les plus insensées sont éditées, lues et même discutées gravement par des journaux sérieux qui (1) Journal de Colmar, 16 août 1900. Cet organe, dirigé par le député protestataire au Reichstag Wetterlé, est remarquable par sa modération. Pour qu’il parle en ces termes du mouvement pangermaniste, il faut qu’il soit dix fois convaincu de sa gravité.