290 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE Si l’on croit que Guillaume II n’est pas réfractaire à la morale bismarckienne, il faut également admettre qu’il peut avoir fixé, lui aussi, l’instant de la mort du souverain autrichien comme devant être l’occasion d’une intervention armée. La hâte qu’il met à terminer ses préparatifs militaires autorise en tout cas cette hypothèse. Quoi qu’il en soit, si ce projet a été formé, les phases de sa réalisation pratique syndiquent d’elles-mêmes. En août 1899, de vagues prétextes ont suffi aux comités pangermanistes pour agiter l’Autriche depuis le nord de la Bohême jusqu’à l’Adriatique, et pour donner à ces troubles un caractère nettement antidynastique (voir p. 138). Ce qui a été fait peut évidemment se refaire, et avec plus de facilité encore, à la faveur d’un de ces multiples incidents qui accompagneront infailliblement le changement de souverain autrichien. Il n’est pas douteux qu’au point où en sont les choses, les Pangermanistes peuvent compter rallier autour d’eux, dans cet instant décisif, les Prussophiles de toutes nuances, depuis Prade jusqu’à Schönerer, les protestants autrichiens, engagés à fond dans le mouvement Los von Rom et les Israélites dont les intérêts concordent avec ceux de Berlin. Une telle mobilisation de gens fédérés, organisés, dont le rôle a été réglé longtemps à l’avance, peut à distance frapper vivement les imaginations. Sans doute, les Slaves et les Allemands modérés protesteront, mais les étrangers n’ayant pour établir leur jugement que les dépêches tendancieuses des agences télégraphiques, n’en croiront pas moins que le loyalisme a disparu de l’Autriche et que l’heure du démembrement a sonné. En même temps, la presse de l’empire allemand jettera feu et flammes; elle suppliera le gouvernement de Berlin de ne pas manquer à sa mission historique; elle adjurera l’empereur Guillaume d’être digne des Ho-henzollern. Or, tout cela peut se passer en quelques jours, et si vraiment l’empereur allemand envisage l’éventualité