142 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE à Napoléon III, signalant ses tendances et son programme, il n’hésitait pas à dire : « Ce parti allemand et dit progressiste est actuellement en Autriche le parti dominant, le parti du gouvernement. Tant qu’il en sera ainsi, il ne permettra pas que l’on gêne la Prusse dans l'exécution de sa prétendue mission allemande, qui signifie la dissolution de l’Autriche. » C’est bien, en effet, la longanimité déplorable dont le gouvernement de Vienne a fait preuve envers ce parti dit libéral qui a permis aux idées prussophiles de prendre en si peu d’années une aussi grande extension. Aujourd’hui, la nécessité de réprimer les menées étrangères en Cisleithanie s’impose avec évidence. Le Dr Kramarsch a expliqué avec force qu’on ne saurait attendre plus longtemps. « Le radicalisme allemand menace trop l’avenir de la monarchie et même la paix européenne pour qu’il soit permis de tarder à prendre des mesures énergiques (1). » En supposant « qu’on n’arrête pas ce mouvement, qu’il soit encouragé par la jeunesse allemande, imbue des théories pangerma-nistes, stimulé par les luttes nationales du Parlement, luttes inévitables dans un Parlement central où chaque nationalité combat pour ses droits ou ses privilèges, les Allemands, que les politiques libéraux voulaient unir pour en faire l’appui de leur « centralisme » , se grouperont tous en un parti nationaliste radical, mais cette fois contre l’État, contré l’idée immanente de l’Autriche, c’est-à-dire contre l’idée de justice et d’égalité pour tous les peuples (2) « . Sans doute, même si tous les Allemands d’Autriche devenaient prussophiles,— hypothèse tout à fait irréalisable, — ils ne seraient jamais qu’une minorité dans l’État cisleithan; mais bien avant que ce résultat puisse être obtenu, il en estun autre qu’il est possible d’atteindre et qui aurait les plus (1) Dr K. Kbamarsch, iAvenir cle l'Autriche (Revue de Paris, 1er février 1899, p. 598). (2) Op. cit., p. 585 et 586.