322 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE me bornant toutefois à l’examen d’une hypothèse construite sur des données admissibles. J’admettrai, par exemple, qu’à partir d’aujourd’hui, l’Autriche a passé durant plusieurs années par une série de transformations. La propagande pangermaniste s’est continuée sans obstacles. Par le seul effet de l’âge, la jeunesse allemande autrichienne, imbue des idées prussophiles, est arrivée aux affaires. Il en est résulté que les éléments violents exercent une pression toujours plus forte sur le souverain qui a imposé à ses sujets la Sonderstellung de la Ga-licie, de la Bukovine et de la Dalmatie. Huit millions de Slaves ont été ainsi retranchés de la Cisleithanie. Les Allemands y ont retrouvé la supériorité numérique. Le groupe des Allemands fédéralistes ayant perdu sa raison d’être a disparu. Pendant ce temps, d’autres événements se sont accomplis à l’occident de l’Europe. Progressivement, la puissance militaire de la France a été désorganisée. La République française est devenue incapable de toute action extérieure. La Russie, comprenant qu’elle ne pouvait plus compter sur son alliée de l’ouest, s’est concentrée sur elle-même. Elle a considéré que son action isolée devenait trop chanceuse, et, tout en comprenant l’étendue de la faute qu’elle va commettre, elle s’est désintéressée de l’Autriche. Ainsi favorisés par le concours des circonstances, les Prussophiles sont devenus complètement maîtres du Parlement de Vienne, si bien qu’ils ont réussi à faire entrer la Cisleithanie restreinte dans l’Union douanière allemande. Le grand Zollverein de l’Europe centrale a été réalisé. Quelques années se sont encore écoulées. Finalement, comme cela était inévitable, la Cisleithanie restreinte a été absorbée politiquement par l’empire allemand. C’est à ce moment qu’il faut considérer l’Allemagne agrandie de la fraction de l’Autriche actuelle, qui représente le minimum des revendications pangermanistes, et rechercher les conséquences du nouvel état de choses.