AU SEUIL DU XXe SIÈCLE • 415 déclarations de son ministre n’en subsistent pas moins et peuvent maintenant être utilement invoquées. La non-intervention générale et absolue : telle doit donc être la formule de l’accord de la France cl de la Russie relativement à l'Europe centrale. Ce point posé, on conçoit logiquement ce qu’il reste à faire. Le gouvernement de Berlin travaille politiquement à détruire l’Autriche; la France et la Russie doivent travailler politiquement à la consolider. Ces deux Etats peuvent y parvenir sans avoir à vaincre de grandes difficultés. La première nécessité pour les deux gouvernements est d’être exactement renseignés sur l’état de la propagande pangermaniste. Or, il n’est pas démontré que l’organisation officielle des ambassades qui fonctionne actuellement à Vienne soit suffisante. Ce n’est point dans les salons officiels de la Hofburg, ni dans ceux de l’aristocratie viennoise qu’on peut «apprendre» l’Autriche. Prague, Léopol, Cracovie, Innsbruck, Brünn, Graz, Trieste, sont des centres ayant chacun leurs points de vue différents. C’est seulement en les connaissant tous qu’on peut avoir politiquement une vue panoramique de la Cisleithanie. 11 y aurait donc lieu, pour la diplomatie franco-russe, de développer son service de « renseignements ». A côté de cette tâche commune aux deux gouvernements, il en est une autre qui incombe plus particulièrement à celui du Tsar. Si, depuis 1867, François-Joseph a toujours reculé au moment d’établir le « fédéralisme » , c’est qu’il s’est senti constamment isolé et exposé aux coups du llohenzollern de Berlin. Mais si le rapprochement déjà commencé entre Vienne et Pétersbourg devenait plus étroit, si le Tsar faisait comprendre à la Burg que, d’accord avec la France, il est résolu à garantir l’Autriche contre toute immixtion berlinoise, la situation ancienne n’existerait plus et le souverain autrichien pourrait enfin agir avec une liberté qui lui est inconnue depuis Sadowa.