AU SEUIL DU XXe SIÈCLE 313 tous les comités pangermanistes se mettraient en état d’insurrection ouverte, ce qui ne manquerait pas de se produire dès qu’un seul soldat de l’empereur Guillaume aurait mis le pied sur le sol de la Bohème? C’est bien en effet ainsi que les choses se passeraient. On l’annonce même fort nettement : « La France, la Russie et peut-être l’Angleterre s’opposeront à la création d’une Grande-Aile magne. Quant à l’Autriche, elle est trop affaiblie pour être à craindre. Si cela était, nous ferions sauter toutes les mines et nous travaillerions vigoureusementavec l’aide des idées pangermanistes. Dans ces conditions, tout irait sûrement (1). » Cette conclusion optimiste ne semble point déraisonnable, si l’on considère la situation stratégique défectueuse de la Bohème et l’état moral de l’armée autrichienne. Il ne paraît pas en effet que cette armée, réduite à ses -propres forces, comme le suppose /’hypothèse, soit en mesure de barrer la route de Trieste aux troupes allemandes qui, en définitive, si elles sont laissées libres de leur action, paraissent aussi assurées du succès qu’on peut l’être en matière d’opérations militaires. Il faut enfin tenir compte, comme d’un élément capital, de la rapidité foudroyante avec laquelle l’action serait conduite. D’une façon générale, l’état-major de Berlin fait de la rapidité d’exécution la condition essentielle de la conduite de la guerre. « La concentration des forces sera poursuivie à l’extrême dès le début de la guerre... Tout gain de temps même minime peut prendre une extrême importance... » « La résolution de faire la guerre, l'ordre de mobilisation, la concentration et le commencement des hostilités ne formeront en quelque sorte qu'un seul et même acte. (1) «Sowohl Frankreich als Russland, vielleicht auch England, werden sich der Schaffung eines Alldeutschlands widersetzen, Oesterreich wird wenig mitreden, weil es zu ohnmächtig ist, und in dem Fall müssen wir alle Minen springen lassen und mit dem alldeutschen Gedanken höchst kräftig arbeiten, dann geht es gewiss. » Deutschland bei beginn des 20. Jahrhunderts, p. 212. Militär-Verlag R. Félix, Berlin, 1900.