270 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE d’une attaque subite et sans déclaration de guerre. Les lourdes charges financières qu’entraîne la loi ont aussi leur enseignement. Sa simple application nécessite une dépense d’organisation de 133 millions de marks et grève le budget annuel de 27 millions (I). Or, rien du côté de la France ou delà Russie ne pouvait alarmer le gouvernement de Berlin. Par la conférence de la Haye, le Tsar a manifesté ses sentiments profondément pacifiques ; en France, aucune démonstration belliqueuse n’a eu lieu depuis longtemps. La loi militaire a donc surpris tout le monde en Allemagne, et les contribuables, déjà lourdement grevés, l’ont accueillie avec une répugnance non dissimulée. Dans ces conditions, pour que l’empereur Guillaume ait accru sans hésiter le fardeau pesant sur ses sujets, il faut bien admettre qu’il a agi en vue d’un plan politique secret, mais nettement déterminé, plan qui d’ailleurs a été suffisamment découvert parla discussion parlementaire de la loi au Reichstag. Le baron de Stumm-Halberg, persona gratissima auprès de Guillaume II, fut chargé de soutenir le projet gouvernemental à la tribune du Parlement. Au cours de son argumentation, il déplora comme excessif l’emploi fait par ses collègues pangermanistes de l’expression « l’Allemagne depuis le Belt jusqu’à l’Adriatique » (Deutschland vom Belt bis zur Adria), pour justifier le relèvement des effectifs, mais peu après, lui-même ajoutait dans le même but : « Il me suffit d’attirer l’attention sur les troubles intérieurs qui, à mon vif regret, ont lieu en Hongrie comme en Autriche (2). » L’allusion était transparente, elle fut saisie sans peine et (1) Le budget de la guerre allemand pour 1901 comporte, sans compter les dépenses relatives à l’expédition de Chine, 71 millions de marks de crédits extraordinaires, soit 45 millions de plus qu’en 1900. (2) « Ich brauche bloss auf die inneren Wirren, die zu meinem lebhaften Bedauern, in Ungarn sowohl wie in Oesterreich stattfinden, hinzuweisen... » Sténo graphische Berichte über die Verhandlungen des Beichstags, séance du 12 janvier 1899, dixième législature, premier volume, p. 200.