136 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE mais, comme tous les pusillanimes, dans la crainte d’en apercevoir toute l’étendue, ils ne l’envisagent pas résolument ; ils veulent croire que le silence suffira peut-être à l’éviter. Un semblable calcul est assurément faux avec des adversaires aussi décidés que le sont les meneurs panger-manistes. Chaque défaillance du pouvoir est une prime à leur audace. Dans une lettre au président du conseil, MM. Bareuther, Iro, Schönerer, Walter, voulant réveiller les souvenirs de l’ancienne confédération germanique, n’hésitent pas à parler de la ville libre impériale d’Eger (freie Reichsstadt Eger). Enfin, scandale dépassant tous les autres, le 25 octobre 1899, en plein Parlement de Vienne, le député Türk, salué par les applaudissements enthousiastes de ses amis, a déclaré : « Les pays héréditaires allemands doivent s’adosser à l’empire allemand d'une façon quelconque, à peu près comme cela existait avant 1866. Une union douanière économique avec l’Allemagne est la première étape dans cette voie... Nous autres, Allemands, nous sommes prêts à tout. Faites éclater une guerre civile entre les Allemands et les Tchèques en Bohème, en Moravie et en Silésie, et les armées allemandes de la Prusse viendront vous donner une danse (sic) (1). » Cette insulte à l’État autrichien, faite en présence de tous les représentants de la Cisleithanie, a passé comme le reste, exemple presque incroyable d’une impunité dont la durée a peut-être servi davantage la diffusion du Pangermanisme que les efforts des meneurs. Ceux-ci ont eu rapidement l’impression qu’ils étaient les maîtres. En 1897, ils ont commencé l’agitation ouverte, et, deux ans plus tard, ils (1) « Dann müssen die deutschen Erbländer in irgendeiner Form an das Deutsche Reich sich anlehnen, etwa in jenem Zustande, wie es vordem Jahre 1866 bestand. Eine wirthschaftliche Zollunion mit Deutschland wäre der ente Schritt dazu... Wir Deutschen sind auf alles gefasst. Treiben Sie es zu einem Bürgerkrieg zwischen den Deutschen und den Gechen in Böhmenr Mähren und Schlesien, dann werden die Deutschen lleere Preussens Ihnen einen Tanz aufspielen. »