366 L’EUROPE ET LA QUESTION D’AUTRICHE qu’on ne saurait se dispenser d’introduire dans l’équation de tous les grands problèmes politiques. Le dénouement de la « question d’Autriche » est d’ailleurs susceptible de léser très directement les intérêts américains. Les États-Unis et l’empire allemand se trouvent de plus en plus en état de perpétuel antagonisme. Mille incidents trahissent la tension de leurs relations. Devant Manille, les officiers de marine de Guillaume II ont tout fait pour gêner l’action de l’amiral Dewey. Le capitaine Goglan, commandant du croiseur des États-Unis, le Raleigh, l’a fait savoir avec une rare indépendance, et la première parole de l’amiral Dewey, lui-même, débarquant à Trieste, fut pour dire : » C’est avec l’Allemagne que nous aurons notre première guerre. » Depuis cette époque, l’hostilité entre les citoyens de l’Union et les sujets de l’empereur allemand n’a fait que s’accroître ; elle se manifeste dans toutes les parties du monde. Le 4 juillet 1899, jour de la fête nationale américaine, M. Cari Klemme, sujet allemand, propriétaire de l’Orpheum-Hôtel à Honolulu, ayant décoré sa porte à l’aide de drapeaux allemands qui cachaient ceux de l’Union, un nommé West, sujet américain, vint lui enjoindre d’enlever le drapeau germanique. L’Allemand refusa. West, aidé de plusieurs soldats américains du transport Slieridan qui se trouvait dans le port, envahit la maison de M. Klemme, arracha et piétina les drapeaux allemands. Les incidents de cette nature se sont multipliés au point qu’obéissant aux suggestions des autorités de l’empire, et surtout de VAlldeuts-cher Verband, les Allemands des États-Unis, fort nombreux comme on sait, se sont organisés pour la défense de leur nationalité particulière, jusqu’à former dans l’Union un véritable État dans l’État. Le message du président Mac-Kinley, après son élection, a reflété si évidemment la froideur des relations qui existent avec Berlin que le Tageblatt était amené à reconnaître qu’il n’était pas l’ami de l’Allemagne.